mardi 25 septembre 2012

Ve arrondissement.



Il fait doux sur les trottoirs du boulevard Saint Germain; quelques jupes virevoltent encore au milieu des feuilles mortes.
Le défilé des badauds s'accorde avec la danse des automobilistes qui se suivent et ne se ressemblent pas, tout comme les minutes depuis lesquelles Clément attend devant ses cafés.
Il le sait, il ne viendra plus. Mais devait-il seulement venir un jour ?
Cela fait un bout de temps qu'il se tient là à observer vaguement la rue. C'était peut être un effet secondaire de la chanson nostalgique qui passait dans son MP3 mais le temps semblait s'étirer doucement, jusqu'à l'infini.

Clément a toujours adoré ces jours d'automne : leur brise fraîche et légère alors que le soleil rejoint peu à peu l'horizon offrant sa douce pâleur aux feuilles mortes et aux dernières lunettes de soleil.
Petit, Clément, comme tous les enfants, adorait envoyer valdinguer ces feuilles desséchées qui produisaient des bruits de gâteaux secs. Sur les chemins de l'école, c'était son petit plaisir solitaire entre deux batailles de marrons.
Lui, le surprenait souvent à travers sa vitrine et sortait pour le sermonner. Clément rentrait penaud mais cela repartait de plus belle le lendemain, jusqu'à ce que la neige remplace feuilles et marrons.
C'était il y a bien longtemps...

Tout autour de Clément, ça lutinait de manière intensive. On parle toujours du printemps mais il faut croire que les prémices de la saison froide marchent aussi bien en ce qui concerne le rapprochement du genre humain.
Cela aurait été gênant pour n'importe qui : seul à sa table avec en guise d'amis trois tasses à café vides, un verre d'eau, une bière et un livre de Jean Vautrin posé à plat. Mais c'est à peine si il voyait tout ce frémissement d'hormones. Depuis deux semaines, il sortait avec Séliane.
Elle lui aurait plu c'est sûr, bien qu'il ne l'aurait pas vu tout de suite.

Alors qu'il l'accompagnait au métro et discutaient littérature, elle lui avait demandé de lui écrire un poème d'amour. Sur le moment il n'avait pas vu cette lueur dans ses grands yeux bruns. Quand il lui a dit que cela pouvait prendre un peu de temps, elle l'a embrassé puis lui a dit que ce n'était pas grave. Ils restèrent encore un peu devant cette station Censier-Daubenton, laissant les passants se soucier de leur amour et des étoiles prenant leurs places.
Clément n'était pas vraiment romantique mais il ne pouvait s'empêcher d'esquiver un sourire en y repensant.
Lui aurait-il raconté cette histoire ?
Peut être pas maintenant, mais il l'aurait sûrement su avant de la présenter grâce aux bavardages de sa mère. Contrairement à elle, il s'en ficherait mais même sans le montrer il aurait été ému par le bonheur de son fils.

En fait, Clément se disait qu'il aurait été intérieurement heureux tout simplement pour tout le chemin qu'il avait parcouru.
Mais il était toujours seul, attablé au milieu des autres étudiants fêtant la fin de la journée. Le temps avait adouci cela mais chaque fois qu'il se rendait compte qu'il ne serait pas là, une vision éphémère lui apparaissait le temps d'un clin d'œil ou d'une chanson.

La nuit tombait, les enseignes s'éclairaient et la rue devenait un grand et palpitant théâtre à l'éclairage enfantin.
Séliane le tira hors de ses rêveries en lui annonçant qu'elle venait de sortir de cours et était sur le chemin.
C'est à ce moment là qu'il se rendit compte de la fraîcheur de l'air du soir et que son MP3 ne passait plus la chanson mélancolique depuis longtemps. 

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