mercredi 10 juillet 2013

Essai sur une journée IV


Les hommes sont comme les arbres des régions arides : si ils poussent trop vite, ils crèvent avant de se rendre compte que plus rien ne peut les soutenir. Ni le sol, ni leurs racines.
Je suis bien habillé, mes vêtements choisis avec soin, je sens bon, je suis proprement rasé et une larme coule le long de ma peau glabre et irritée.
Mon cœur et mon esprit ne sont plus qu'un mince follicule entre ce qu'il me reste de propre et ma rétine.
En bas de son immeuble, ça s'anime, ça s'agite sous les gyrophares. Il y a toujours les spectateurs des balcons penchés sur des acteurs qui eux ne voient rien.
Je vois tout de derrière le cordon. C'est trop tard. Je suis venu sans fleurs, j'aurais eu l'air con. Je vais repartir avec encore moins. Je vais partir comme je suis venu.
Je ne suis pas mieux, mais je me dissous dans la foule.
Je n'ai même plus de cigarettes. Cela ne sert à rien de rester ici. Les nuages s'accumulent dans le ciel.

Il fait de plus en plus lourd, je sue à force de retourner les poubelles de mon immeuble. Elles doivent être là, de toutes façons je n'ai pas le choix.
Ce n'est qu'une fois ma porte fermée que je pris avidement une poignée de pilules. Les effets n'apparurent qu'après le coup de fil du commissariat.
Elle avait laissé une lettre. j'irais demain si je me lève.
L'eau de la douche m'enveloppe comme une auréole de bouddha. Je ne pense à rien. Rien n'existe en dehors  du halo étouffant qui m'enserre.
L'onde tournoie sur mon visage et file sur mon corps avant de partir au loin. Régulièrement, des gouttes rebelles caressaient ma joue et s'enroulaient autour de mes lèvres avant de prendre leur élan au bout de mon menton.
Il parait que pour méditer et oublier, il faut faire le vide dans son esprit. Je ne vois rien, je vois une prairie. Un flanc de montagne verdoyant sous mes pieds qui plonge dans le vide. En fait, non : c'est moi qui plonge dans le vide. Je me reprends, je revois cette verdure et je la survole de nouveau. Ça va vite, tout s'accélère; les brins fondent, je sens que je tombe.
J'ouvre les yeux et relève la tête avant d'être aspiré par l'obscurité.
Demain, je fais quelque chose. Faire des dossiers, appeler un médecin, sortir ...
Demain si je me lève. Demain si je n'ai pas mal. Demain, peut être...

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