dimanche 7 avril 2013

Les nuages et les poissons-volants.


Comment s'était formée cette rue flottante? Quels marins, avec l'aide de quels architectes, l'avaient construite dans le haut Atlantique à la surface de la mer, au-dessus d'un gouffre de six mille mètres? Cette longue rue aux maisons de briques rouges si décolorées qu'elles prenaient une teinte gris-de-France, ces toits d'ardoise, de tuile, ces humbles boutiques immuables? Et ce clocher très ajouré? Et ceci qui ne contenait que de l'eau marine et voulait sans doute être un jardin clos de murs, garnis de tessons de bouteilles, par-dessus lesquels sautait parfois un poisson?
Comment cela tenait-il debout sans même être ballotté par les vagues?
Et cette enfant de douze ans si seule qui passait en sabots d'un pas sûr dans la rue liquide, comme si elle marchait sur la terre ferme? Comment se faisait-il...?

Supervielle, J. «L'enfant de la haute mer.» dans L'enfant de la haute mer; Gallimard folio, 2011; p.7-8

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