mercredi 5 novembre 2014

XVIe arrondissement


La journée avait été longue pour Mélissa. Ses jambes lourdes pénétraient le sol de la rame au rythme du rail.
Le train s'élève au dessus de la monotonie sombre et crasseuse du cœur de la ville. En contrebas une station reste collée au souterrain. Mélissa espérait déboucher sur l'air libre, en une soudaine explosion de lumière. Un rollercoaster du pauvre et du quotidien mais le rêve était à l'image du parc d'attraction : l'engin ne débarqua que sur un quai aux lumières jaunâtres et à l'horizon bas et aussi gris que les costumes des cols blancs s'amassant devant les portes griffées.
C'est à la station suivante que la jeune fille de vingt-six ans se faufila vers la sortie. Il lui fallu parcourir des mètres de catacombes modernes avant de n'avoir que le ciel hivernal au-dessus de la tête. Une pluie fine se déposait sur ses cheveux et ce n'est qu'à la lumière des lampadaires qu'elle découvrit ce nouveau monde.
Des rues sans réels magasins, des rues où de hauts immeubles fiers et glacés aspirent la moelle de la cité. Des ombres courbées se faufilaient devant ses yeux.
Des vieux; une armée de vieux. Les forces spéciales des déambulateurs, les gradès de la rombière emperlousée, la légion du Chihuahua à demi-crevé.
D'après le plan affiché dans les couloirs du métro, elle devait se rendre de l'autre côté du carrefour vers de hauts murs d'où seuls quelques branchages dépassaient. Le carrefour était aussi grand et moche que tous les autres mais malgré les feux de réglementation il semblait représenter une zone de non-droit.
Mélissa avait vaincu le far-west et ses hordes barbares, maintenant sa destination était à portée de vue.
La lourde porte surveillée par deux cariatides s'ouvrit péniblement. Une dame qui la croisa dans le couloir la salua poliment avant de disparaître. Les pas de la jeune fille résonnaient contre les murs marbrés alors que sa propre silhouette l'accompagnait le long du mur couvert de miroirs.
La cage qui portait le nom d'ascenseur était en panne. Déjà d'humeur morose, Mélissa sentait sombrer son esprit pendant que ses chaussures s'enfonçaient inexorablement dans l'épaisse moquette rouge.
Six étages et autant de demi-paliers plus tard, elle se tenait enfin devant la grande porte olivâtre.
Elle sonna et attendit. Elle pouvait entendre le chat courir dans l'appartement pendant qu'elle réajustait sa coiffure et son chemisier.
La porte s'ouvrit doucement et la vieille dame lui sourit comme à son habitude.

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