mercredi 26 février 2014

Vers l'infini bleu azur au-dessus de lui.


Un léger sourire flotta soudain aux coins de ses lèvres. Minoru se hâta de détourner les yeux, mais son cœur battait à tout rompre, et les muscles de son visage se contractaient indépendamment de sa volonté. Il ne pouvait plus feindre.
Le service religieux s'acheva. Bousculant les gens qui autour de lui se levaient lentement pour ménager leurs genoux ankylosés, Minoru quitta la salle le premier et se sauva à petites foulées par les sentiers en bordure de rizières, où tremblaient les épis. Il n'avait qu'une crainte : qu'Otowa se lance à sa poursuite et le rattrape. Il courut un moment le long des fins canaux d'irrigation mais, au moment où il se retournait pour évaluer la distance parcourue, il aperçut la silhouette de la jeune fille s'élançant vers lui.
"Minoru !"
Sa voix aiguë lui parvenait au milieu du bruit des rafales de vent. Il détala à nouveau mais elle le rattrapa, le saisit par-derrière à bras-le-corps, et tous deux roulèrent au milieu des épaisses touffes de roseaux. Minoru fit deux ou trois pirouettes sur le sol, enveloppé par le jeune corps qu'il sentait à travers le coton léger du kimono de Kurume et le doux parfum qui en émanait.

Hitonari Tsuji; Le bouddha blanc; Mercure de France collection Folio, 1999 : p.52-53

dimanche 23 février 2014

Cindy (7e partie)

Héhé, grosse rigolade.
Mes amis, mes chers, mes doux amis, je sais que vos esprits mélomanes l'ont longtemps attendu mais reprenez forces et sourires car elle est là : la suite de Cindy, cendrillon du ghetto.
Nous allons enfin plonger dans l'acte II et dès les premières minutes, le ton est donné : aucune chanson ne dure plus de deux minutes; nous avons donc un concentré de médiocrité et d'horreur. Cindy, le pulsar de la ringardise. Bref, c'est toujours aussi grandiose. Mais ne perdons pas de temps et aventurons-nous sans plus attendre de nouveau dans ce monde féerique.

Ricky déchaîné se touche la nouille.
Premier extrait pour tes oreilles.
L'acte II commence avec une somptueuse musique de guitare, dont les notes et le ton font penser à un sympathique pique nique de jeunes amateurs de bières peu chères sur les abords d'un parking de supermarché. Cindy est toujours là, et il faut dire qu'on ne la voit pas au premier coup d'oeil tellement le poster de Ricky derrière elle est ignoble : photo peu flatteuse, couleurs criardes et festival du gros pixel.
"Ce bal maudit/ que j'ai fui/ sur les douze coups de minuit" Décidément, le deuxième ne baisse bas les bras au grand concours des rimes simples et affreuses.
"Cindy loves Ricky/ Mais Ricky aime-t-il Cindy ?" Plus qu'une comédie musicale, Cindy 2002 c'est également une réflexion profonde et nouvelle sur l'amour. Ce qui se confirme quelques lignes après : "mais attention, je te préviens : si tu m'aimes/ il faudra que tu m'aimes pour moi même."
"J'ai l'impression d'avoir commis comme un hold up/ d'avoir volé ton coeur au revolver" Non mais qu'est-ce que s'est que cette histoire de hold-up ? C'est censé se dérouler en banlieue du coup on sort les clichés ? Belle mentalité !
D'ailleurs, entre deux idioties braillées la jeune gourdasse se fait visiblement chier et n'arrête pas de faire des aller-retours sur scène, en lançant de temps à autre un léger sourire au public, mi-timide mi-molette.
Et voilà qu'arrive le grand moment de cette chanson : niveau scénique et niveau dialogue, of course.
"Envoyez une armée de tagueurs écrire en graffiti sur les murs de la vie : Cindy loves Ricky.
Lâam beugle en faisant semblant d'y croire, vraiment seule sur scène, avant de finir dans une position que ne renierait pas l'association des gentils proctologues. Et au passage, on ressort quelques clichés de jeunes avec les graffitis; mais on le remarque tellement le passage des "murs de la vie" nous subjugue.

Merci, Ricky et Michel.
Deuxième extrait pour tes yeux.
D'ailleurs, cette position tombe plutôt bien car la suite arrive en s'ouvrant sur un magnifique fond musical digne des plus beaux (et pauvres) films de cul.
Les deux soeurs arrivent vers Cindy qui passe la serpillière. Toujours affublées d'horribles costumes lila, elles ressemblent désormais à des personnages des Mille et une nuits version destockage chez Tati Roumanie. Bien qu'on commence à voir du cuisseau et du décolleté; ce n'est jamais négligeable.
C'est un - atroce - dialogue musical qui suit, où notre souillon préférée vocalise sur des "et elle ?" et des "et lui ?".
Sans vous faire subir les rimes atroces - si, plus encore que d'habitude; c'est possible - en gros Cindy demande comment était le bal et que le priapique père Rickounet a fini la soirée avec une princesse orientale. Quel monde cruel.
Un bel exemple d'ironie tragique; Sophocle, tu peux aller te rhabiller. Cindy pense que ses soeurs parlent de quelqu'un d'autre alors qu'il s 'agit bien d'elle. Par contre, ne pensez surtout pas que cette histoire ira plus loin que ça.

Tout est dit...
Troisième extrait pour ton cerveau.
Le plus beau du piano façon Pascal Obispo agrémente des ralentis des danseurs gigotant du jambon avec leurs costumes premier prix des salons ras des fesses.
Puis arrive la guitare ringarde; on pense voir arriver Guns and Roses ou bien Dousseur de vivre mais c'est seulement Ricky qui s'offre à nous.
Une danseuse passe dans le vide attachée à une corde en tournant sur elle-même. Elle doit sûrement représenter la femme tentatrice et matrice des désirs et des passions, mais nous ne voyons qu'une pauvre femme qui pendouille mollement dans ce grand vide scénique et intellectuel.

Devinez lequel se sent le plus seul.
Et là, on touche le chef d'oeuvre mes cocos ! On en comprend pas un broque de ce que dit l'ami Ricky- enfin si peu. On comprend KO et que c'est la faute des femmes, en gros.
"Pourquoi faut-il se cacher pour pleurer , " revient souvent, et bien que les oiseaux se cachent pour mourir Ricky se fait de fait le chantre de la masculinité affirmée et de la réflection moderniste sur la célébrité et son aliénation. D'ailleurs, à propos de cacher Ricky à oublié de couvrir ce sein que l"on ne saurait voir; mais bon que voulez-vous : quand on a la classe...
Mais pourquoi il doit toujours gesticuler comme ça ? Il le pense peut être mais ce n'est pas sexy; au mieux on pense qu'il a envie de vite délester sa vessie, au pire il passe pour un gros pervers.
Et en plus, il fait "wao hoho" comme un chanteur de RnB en veux-tu, en voilà.
Et pendant que notre Ricky national braille son charabia de jeune Werther, les danseurs nous offre en-dessous une très belle chorégraphie en forme de partouze dont les accents rappellent le travail d'un enfant de trois ans saoul. Oui, tout ceci est illégal.

La classe, la vraie.
Quatrième extrait pour ce qui marche encore.
Pour poursuivre, le joyeux producteur vient faire le récit de son enquête au chanteur chevelu. En résume, il est aux fraises et propose de faire une audition pour la retrouver; et bien sûr ça sera une audition de gigue... Donc Ricky va auditionner pour son nouveau clip suite à quoi il déclare : "Je retourne à mes racines". Là, c'est vraiment pour meubler et faire une rime car on se souvient que ses racines sont dans le montrage de derrière dans les bars de Manchester. Bref, rien de bien folichon dans cette scène où même la vulgarité de Ricky ("Je m'en fous, retrouve-moi la fille!") ne nous choque plus.
Une musique au accent orientaux - enfin aussi oriental que le taboulé Garbit - fait office de liant dans cette grosse soupe ( j'ai même envie de dire souplette) bien épaisse; j'ai bien dit aux accents car sinon elle ressemble plutôt à un spot de cinéma de province pour la boutique de Jean-Michel Robinet, le spécialiste de la cuisine équipée à Vierzon.

Il y en a au moins une qui maîtrise un brin le tendu.

Cinquième extrait pour le plaisir.
La belle mère revient avec la même musique qu'au début; oui, chez Cindy on se fait pas trop chier niveau créativité - et je ne parle même pas de qualité.
Bon, Cindy doit apprendre la gigue à ses belles-soeurs. Voilà-voilà.
Sublime moment de la comédie musicale : la fameuse gigue - avec laquelle on nous rabat les oreilles depuis le début - est enfin dansée. Cindy qui danse celle-ci, c'est un peu comme regarder les monceaux d'algues verdâtres portées par l'écume sur la plage, ou bien voir danser devant soi un gros morceau de pâté de foie.
A la fin, tout le monde danse en même temps; sans sens du rythme ou de la coordination, on assiste alors à un spectacle digne des plus belles basse-cours.
Une prestation que l'on peut considérer comme filée puisque juste après la joyeuse troupe des danseurs ratés débarque et se mettent à gesticuler dans le même esprit sur cette musique qui commence vraiment à devenir très, très, énervante. C'est le début de l'audition.
Mais, mes doux amis, reposons nos âmes, nos iris et nos oreilles à vif et nous reprendrons notre merveilleux voyage très prochainement. En plus, je ne dit rien mais ça va être grandiose avec notamment la fameuse rave party. Vous pouvez faire confiance à Cindy.

dimanche 16 février 2014

Pâté de tête et gélatine.



A Hollywood, les martiens, les terroristes et les agents secrets se mêlent à nous. Ils sont partout et nulle part à la fois. Ces êtres étranges passent inaperçus sous nos yeux innocents. Malheureusement, tout comme les aventures de Donald Sutherland dans Invasion of the Body Snatchers (L'invasion des profanateurs en vf), tout ceci n'est que du cinéma, mais rien ne prouve que cela n'est pas vrai et qu'on ne minimise pas la situation. En fait, notre société est déjà en danger !
Regardez bien autour de vous : dans les transports, dans les salles d'attentes, dans les jardins publics, dans les moments de détente, dans votre propre salon et même dans votre propre lit. Ils sont partout !
Les gens autour de vous ont le nez rivé sur leurs écrans. Ils ne vous voient plus; leurs yeux vitreux sont soutenus dans leur obsession par la viscosité de leurs ouïes et de leurs langages.
Ils sont tombés sous l'emprise de Candy Crush.

Un jeu où le but est d'aller le plus loin possible en réalisant des combinaisons de machins colorés. Il paraîtrait même que les concepteurs du jeu ont  produit une histoire pour vous accompagner lors de vos 500 tableaux à finir; personnellement, je n'y croit guère. Tout le monde zappe cette vilaine partie où l'on peut admirer une petite fille insupportable qui a trop mangé de gratin dauphinois et une espèce de Monsieur loyal rouquin qui bondit sur votre écran tel un membre du bas clergé berrichon sur un enfant de choeur.
Donc, le but est de faire des combinaisons d'éléments afin de faire des points et/ou de détruire certains éléments suite à leurs destructions. D'ailleurs, ces éléments sont supposés être des bonbons mais selon mon cortex visuel je vois des saucisses, des citrons, des feux d'artifices dans des boules à neige, des boules de produit pour le linge, des framboises et des blocs cuvettes WC saveur menthol.

C'est gratuit, il y a plein de couleurs pour illuminer ton couloir de métro donc forcément les gens aiment bien. En plus, tu peux y jouer depuis Facebook. D'ailleurs, c'est la que l'Apocalypse arrive : tout le monde est au courant des niveaux de chacun - surtout quand tu n'y joues pas - et si tu y joues tu auras le bonheur de recevoir mille notifications qui vont faire vibrer ton portable ou illuminer ta fenêtre, tout ça parce que Albert est généreux et t'envoie des vies. Plusieurs fois par jour, votre coeur s'emballera suite à une notification. Votre portable qui vibre dans votre poche : serait-ce elle ? M'a-t-il répondu ? Eh, soudainement, la tristesse frappe entre vos deux ventricules et déchire votre petit muscle en deux : c'est seulement Gertrude qui vous envoie une notification Candy Crush.

C'est là que vous vous rendez compte que d'avoir téléchargé le jeu, pour à peine passer le niveau 40 en quatre mois, commence à revenir cher. Mephistophélès réclame son dû et votre vie commence à devenir aussi triste et terne qu'une rame de métro au milieu des joueurs de Candy Crush. Au moins, quand tout le monde se coupe du monde en mettant ses écouteurs, on peut toujours se regarder.
Mais non, désormais c'est souvent Candy Crush ET les écouteurs !
Seigneur, que d'épreuve Tu nous fais subir ? Surtout, avec ses saloperies de carrés de chocolat qui popent partout et te bouffent tous tes mouvements !

lundi 10 février 2014

Ticket, s'il vous plait.



Un peu (beaucoup) de retard pour cet article, mais les deadlines des travaux et surtout la qualité d’un fournisseur internet qui aime te donner – ah non, te louer, pardon – de jolies box qui n’aiment pas bien fonctionner ; sinon ce n’est pas drôle. Heureusement, maintenant, tout est réglé et on va pouvoir repartir hebdomadairement du bon pied.

Amis des transports et de l'agression visuelle, bonjour.
Car oui, souvent je parle des sympathiques publicités que l'on peut admirer dans les couloirs en émail du métro parisien, mais n'oublions jamais que ces mêmes oeuvres d'art modernes peuvent aussi s'offrir à nos yeux aux bords des routes. En ce moment, c'est l'hiver : il fait froid et les virus se développent et viennent nous faire souffrir sans autre motif qu'un sens aiguë du sadisme. Ce qui est plus préoccupant c'est que la même chose se passe dans la publicité.
On connaissait déjà les pubs TV de voitures à base de 'je suis français, j'aime faire mon ptit malin' ou bien de 'je suis allemand, j'aime l'eurodance dans mon autoradio', mais là, ce sont carrément des clones qui arborent les murs en même temps.
Commençons tout d’abord par Virgin Tonic. Une bonne image de vieux trentenaires sur le retour est véhiculée. Une photo parodique de Friends (oui, la sitcom dont seuls ceux qui ont plus de 25 ans peuvent aimer, par nostalgie). On y trouve Florian Gazan - je passe sur sa carrière très ancrée dans les années 90 - avrc un beau T-shirt des Dents de la mer; certes un classique mais depuis on en a vu défiler de la péloche. Ensuite, on trouve deux beaux no-name dont la trentaine doit être moribonde et Lucienne, l’octogénaire que l’on voit partout sans trop savoir pourquoi. Bref, on nous met devant les yeux une belle tripotée de médiocres en train de siroter des milkshakes ; le problème c’est que cela donne le même effet que de voir Jean-René Ducloux avec son Frapuccino derrière une vitrine au détour d’une rue.
Et puis regardez-moi tout ce bronzage intensif ; ça pique les yeux tellement il y a de la peau orange (peut même d'orange). Les vieux beaux/fs.

On a également l’honneur de voir Manu en format Cinémascope. Tout comme Florian Gazan, Manu est une personnalité bien connue du monde de la radio, enfin surtout connu des personnes écoutant la radio il y a plus de 15 ans ; d’ailleurs on peut le voir rien qu’à se garde robe ringarde de vieux voulant se faire passer pour jeune – ou alors de jeune ne voulant pas grandir mais je ne suis pas docteur. Habitué de l’émission matinale qui te ‘paye ton loyer’ chaque matin – entendez là que chaque matin, la radio paye le loyer d’une personne (si possible d’un 9m² à Besançon) – la pancarte te brandit devant les mirettes un gros « dix fois ton loyer ». Sauf que si on regarde de plus près l’affiche de publicité se la joue contrat bancaire/ assurance avec ses petits caractères énigmatiques. En effet, le photoshop changeant le x2 en x10 et aussi fallacieux que son message car ce ne sera pas tous les jours que votre propriétaire fera péter le champagne mais une seule fois. Une sorte de 14 Juillet des ondes en somme.

Sur les murs de carrelage made in WC du métro parisien, on peut enfin admirer le faciès heureux de Bruno le sympathique. J’ai rien contre ce brave garçon qui doit être la fierté de sa maman et de son village charentais avec son sourire naturel et sa coupe de footballer – tout aussi naturelle. L’ami Bruno se propose donc de « payer nos factures » et donc se la joue club de striptease à distribuer ses billets. Il fait le malin avec ses billets de cent mais je suis sûr que si on lui présente une belle facture se rapprochant d’un nombre à trois zéro, il fait moins le malin. En plus d’avoir l’image d’un Don Juan de mariage pas cher, le sympathique Bruno nous est présenté avec moult traces de rouge à lèvre sur le visage. N’étant pas étranger aux gender studies, je n’émettrai pas de théories sur leurs origines, par contre je ne peux m’empêcher de penser à une sorte de prostitution. Il faut bien montrer un peu d’affection à l’homme qui nous a payé nos factures ; d’ailleurs vu son métier et ses publicité je me demande si l’aimable Bruno ne se prostitue pas lui-même.
Je le vois bien me jeter ses talbins au visage en me criant "Vas-y danse! Danse pour moi!".
En tous cas, ça racole pas mal dans le métropolitain et cela on ne peut le nier.